

Le vertige de l'effort : Humanisme et rationalité


Résumé
Depuis l’humanisme de la Renaissance, l’attitude de l’Europe vis-à-vis de la civilisation arabo-musulmane est marquée à la fois par une fascination et par un rejet. Si le tracé des catégories de la rationalité moderne s’est certes établi sur le terreau de la pensée grecque, la rationalité occidentale a toutefois mis à distance ce qui relève du religieux, si bien qu’elle paraît dénier à la religion toute dimension rationnelle.
Il y eut, pourtant, dans l’histoire des religions, des idées fécondes. Depuis l’avènement de l’Islam, on identifiait désormais, dans le monde musulman, toute activité humaine à l’idée d’effort. L’Islam consacrait, de fait, un tournant pragmatique et une inscription dans le réel. L’homme avait acquis une responsabilité foncièrement active. Le pêcheur, l’agriculteur, le commerçant, le fidèle, le savant, le prince, l’imâm : Tous étaient désormais des mujahhid.
Quel en était le sens ? La continuité d’une vieille idée grecque : Celle d’un homme constamment éprouvé par lui-même. L’homme était, anthropologiquement conçu, comme profondément tiraillé entre les deux instances du bien et du mal. C’est par le concept d’effort que l’Islam croyait résoudre cette tension originaire. En quoi consistait-il ? En une régulation morale, spirituelle et passionnelle quotidienne et permanente au dedans de l’être même de l’homme.
L’enjeu était crucial. Tout dépendait de ce principe inscrit dans la nature de l’homme, sa réussite était la source de la paix, de la spiritualité et du bonheur politique. Son échec conduisait à la barbarie, à la violence et à la guerre. Le concept d’effort en Islam constituait, au fond, une dialectique du vertige. C’est comme si, dans chaque individu, le destin de l’humanité toute entière se jouait.



