

L'écrin du sacré


Résumé
Dans le nord de l’Inde, certaines femmes, de confession musulmane, hindoue, jaïne ou sikhe, baissent sur leur visage une étoffe qu’elles portent sur la tête. Ce voile s’appelle le ghunghat. Sa particularité ? Il n’est pas confessionnel, et transmet un ensemble de messages sur les relations qu’entretient une femme avec les différents membres de la société. Le ghunghat est un voile à forte dimension sociale. La femme le baisse et le relève sur ses yeux en fonction des personnes en présence desquelles elle se trouve, comme une danse de pudeur, révélant ou soustrayant aux regards l’intimité de son visage.
Le ghunghat inscrit la femme dans un paysage social spécifique, où son corps, son visage, sa chevelure, sont un temple pour elle, un lieu de recueillement et d’intimité, qu’elle protège avec la pudeur de son voile. Ce corps s’inscrit cependant de façon dynamique et agissante dans une société où le rôle de la femme est certain.
La pluralité de sens du ghunghat révèle en creux la polysémie du voile de manière générale. Neutre, il se charge de ce qu’on veut lui faire dire, il est un drapeau, l’étendard de la particularité et de la diversité des pratiques humaines. Ce voile lointain et coloré révèle aussi les multiples dimensions oubliées, cachées dans les replis et les drapés des voiles en Europe ou ailleurs, étouffées par le surdimensionnement politique qui a fini par occulter toute la pudeur, le sens de l’honneur et de la sacralité du corps que le voile révèle en le cachant. On l’oublie souvent, l’action de voiler, de couvrir, ne concerne pas uniquement les femmes, mais aussi les hommes et les objets.
Le ghunghat, alors, depuis une Inde pas si lointaine, réinjecte dans l’interprétation du hijâb et des autres formes de voiles musulmans, l’intrigante capacité de cette étoffe à signifier, si l’on prend le temps de l’interpréter à travers le prisme de la spécificité des contextes dans lesquels il fait sens.

